jeudi 31 décembre 2015

samedi 26 décembre 2015

Promouvoir l'arrêt du tabac en France

Bonjour à tous,

Tout d'abord Joyeux Noël à tous !
L'autre jour, j'ai mis la main sur un document publié par la Fondation Canadienne pour la Pharmacie (voir son site internet) qui reprend sous forme de tableau la totalité des actes pharmaceutiques autres que la dispensation couverts dans chaque province du Canada (Québec, Ontario, Colombie-Britannique...). J'en reparlerai plus en détail un prochaine fois. La première chose qui m'a frappé est la prise en charge de la cessation tabagique par le pharmacien d'officine.

Si je me rappelle bien, en France, la prise en charge des médicaments de substitution nicotinique (patch, gommes à mâcher, etc) sont à la charge du patient. En cas de prescription du médecin, il est possible de se faire rembourser 50 euros par patient (et jusqu'à 150 euros pour les femmes enceintes). Je ne parle pas ici de varénicline ou de bupropion. La stratégie de substitution de la nicotine est une méthode simple, avec peu d'effets secondaires et qui permet le maintien d'une abstinence après 6 mois de l'ordre de 25-30%. Mon premier constat est : comment se fait-il qu'une méthode relativement efficace, simple, et avec peu d'effets secondaires ne soit pas remboursée comme n'importe quel médicament en France (avec tiers-payant) ? Mon deuxième constat est l'absence de rémunération à l'acte pour le pharmacien d'officine français pour l'accompagnement des patients qui souhaitent arrêter de fumer ?

Tout d'abord, la prise en charge des thérapies de substitution sont remboursées au Québec ; le régime publique couvre 12 semaines de traitement par an et par patient (sachant que les recommandations sont de 4-6 semaines de 21mg/24h, puis 2-3 semaines de 14mg/24h et enfin 2-3 semaines de 7mg/24h pour les patients fumant plus de 10 cigarettes par jour). Le prix moyen du boite de patch d'un mois étant aux alentours de 30 euros en France, le remboursement de 50 euros ne couvre même pas 2 mois de thérapie (donc moins que la durée recommandée). Pourquoi ? N'aurait-il pas mieux valu rembourser 3 boîtes pour 3 mois par exemple ? Au Québec, chaque année, les patients essaient d'arrêter de fumer et ont l'opportunité grâce aux traitements remboursées.

Parlons ensuite du suivi par le pharmacien ; au Canada, le pharmacien est rémunéré soit pour l'acte d'évaluation avant de prescrire le substitut nicotinique, soit pour la prise en charge globale. La prescription pharmaceutique permet à un patient d'aller directement à l'officine pour rencontrer le pharmacien et bénéficier d'un traitement efficace en quelques minutes. Au Québec, l'évaluation pharmaceutique dans le cadre d'une prescription de substitut nicotinique est payé 16$. En Saskatchewan, le pharmacien est rémunéré 2$ la minute (maximum de 300$) dans le cadre d'un programme d'accompagnement pour la cessation tabagique. En Ontario, le pharmacien est rémunéré 40$ pour la première consultation, puis 15$ pour 3 suivis principaux et 10$ pour 4 suivis secondaires.

Quand on sait l'impact du tabac sur la mortalité et sur les coûts de santé, j'avoue avoir du mal à comprendre pourquoi la France n'a pas commencé à développer le rôle du pharmacien (contre rémunération) afin de prescrire et d'accompagner les patients qui souhaitent arrêter de fumer. Avec notre réseau de 23000 officines sur tout le territoire français, il est très facile de pouvoir rencontrer son pharmacien. Les entretiens pharmaceutiques sont rémunérés 40 euros par an et par patient dans le cadre de suivi des AVK ou pour les patients asthmatiques. Est-ce que l'accompagnement des patients dans l'arrêt tabagique pourrait être une piste pour continuer à faire évoluer le rôle de pharmacien clinicien en France ?

mercredi 9 décembre 2015

Etudes de pharmacie au Québec

Bonjour à tous,

Hier j'ai publié sur le blog d'un autre pharmacien (La Coupe d'Hygie) un billet qui appelle à réformer les études de pharmacie en France. Je vous mets le lien ci-dessous :

https://lacoupedhygie.wordpress.com/2015/12/08/reformons-les-etudes-de-pharmacie/

Aujourd'hui, à titre de comparaison, je vais décrire dans les grandes lignes les études de pharmacie au Québec. Tout d'abord, il n'existe que deux facultés de pharmacie pour le Québec : une à Montréal, et l'autre dans la ville de Québec. Chaque faculté permet à l'étudiant d'obtenir le titre de Docteur en Pharmacie. Globalement, le contenu du cursus est le même avec quelques nuances sur les stages notamment.

Le programme de pharmacie est un programme dit "contingenté", c'est-à-dire que le nombre de places est limité. Le taux d'admission avoisine les 10% selon l'Ordre des Pharmaciens. La sélection se fait sur dossier (résultats scolaires au cours du cursus pré-universitaire) et suite à un entretien.
Globalement, il y a environ 400 étudiants formés chaque année. Ce nombre pourrait évoluer à la baisse en raison de la fin de la pénurie dans la profession. Personnellement je pense, ce mode de sélection peut mettre de côté des étudiants qui auraient été de très bons pharmaciens mais qui n'avait pas le niveau en maths, tout comme notre concours.

Les études universitaires de pharmacie se déroulent sur 4 ans ; notez qu'au Québec, il existe le CEGEP (collège d'enseignement général et professionnel) qui se déroule sur 2 ans après le lycée. Les étudiants choisissent un premier domaine (sciences, lettre, etc.). Pour rentrer en pharmacie, il faut être titulaire d'un diplôme d'études collégiales en sciences pures ou sciences de la santé, et avoir réussi certains cours (biologie, chimie, physique, mathématiques). Au final, on retrouve nos 6 ans d'études français. Généralement, un étudiant sort du lycée à 17 ans au Québec, à 19 ans du CEGEP et donc peut sortir à 23 ans de pharmacie. Cependant, je constate que beaucoup d'étudiants ont suivi une autre licence avant d'entrer en pharmacie (pharmacologie notamment) à cause de la très forte sélection.

Vous pouvez retrouver la description officielle des deux facultés sur les liens suivants :


Grosso-modo, la formation est axée dès la première année sur la pharmacie clinique, et la pratique. De nombreux stages sont réalisés au cours des études ; les étudiants de la ville de Québec ont un total de 15 stages, allant de 1 à 3 semaines dans différents milieux (officine et hôpital notamment). Les étudiants de la ville de Montréal ont en revanche plus de travaux pratiques appelés "laboratoires de pratique professionnelle" (techniques de communication, conseil à l'officine, etc.). La notion de pharmacie clinique n'est plus vraiment utilisée, et on parle d'avantage de "Soins pharmaceutiques" ; il s'agit plus d'une démarche centrée vers le patient. Les cours sont donnés principalement dans le cadre de ce que l'on appelle en France "enseignements coordonnées" (chimie, sémiologie, pharmacologie, soins pharmaceutiques en cardio, neuro, infectio...). 

Il n'y a pas de cours sur la chimie analytique, la botanique, la biologie animale, l'hydrologie... Il n'y a pas non plus de possibilité de devenir biologiste médical (réservé aux médecins). Toute la formation est orientée vers le médicament et son bon usage chez le patient, afin que le pharmacien soit le spécialiste dans son domaine. 

La formation insiste sur l'utilisation en pratique réelle des médicaments, en citant par exemple de nombreuses études cliniques qui ont montré l'efficacité des médicaments selon les indications par exemple. On insiste aussi beaucoup sur l'optimisation de la pharmacothérapie (interaction, ajout de médicaments pour améliorer une condition ou arrêt de médicaments par exemple). La formation met aussi beaucoup l'accent sur le suivi du patient (efficacité ou tolérance au traitement) car il s'agit d'un des premiers rôles du pharmacien selon la Loi sur la Pharmacie au Québec (article 17, point n°4). Le pharmacien est ainsi le spécialiste du médicament et de la pharmacothérapie. 

A l'issue de ces quatre années, l'étudiant obtient le grade de Docteur en Pharmacie (Pharm.D) ce qui lui donne le droit de s'inscrire à l'Ordre des Pharmaciens du Québec, pour obtenir le titre de Pharmacien. Les étudiants qui souhaitent travailler en milieu hospitalier doivent suivre une maîtrise supplémentaire d'une durée de 14 mois environ comprenant quelques mois de cours et un an de stage en milieu hospitalier. 

Voici un petit résumé du cursus pour devenir pharmacien au Québec. Alors qu'en pensez-vous ? 

dimanche 6 décembre 2015

Substitution générique et remboursement

Bonjour à tous,

Aujourd'hui, on va parler de la substitution générique au Québec. Je me rappelle en France de la galère quotidienne pour substituer par le générique, des tarifs de responsabilités (TFR), des non-substituables, et autres règles bien compliquées comme le tiers-payant contre générique. A mon arrivée au Québec, j'ai été (agréablement) surpris par l'absence de dispute quotidienne sur le générique.

Tout d'abord, je rappelle qu'il existe deux types d'assurance au Québec ; les assurances privées (ou assurances collectives) et l'assurance médicament gouvernementale (qui couvre la plupart des patients après 65 ans, et ceux qui ne peuvent pas avoir d'assurance privée). C'est l'assurance du gouvernement qui est la plus stricte, mais de plus en plus d'assurances privées imposent aussi le générique en faisant payer des excédents aux patients.

Le premier point de la substitution générique est que, si le patient refuse, et qu'il est couvert par le régime gouvernemental, il devra payer l'excédent de sa poche. En effet, contrairement à la France qui rembourse intégralement le princeps ou le générique, ce n'est pas le cas ici. Je sais, on va me parler du TFR, mais je me rappelle qu'on arrivait parfois à des situations où le prix du princeps devenait le même que celui du générique... Ce n'est jamais le cas au Québec, car le prix du générique doit toujours être inférieur à celui du princeps. Il y a aussi la règle du tiers-payant contre générique, mais au final, le patient est totalement remboursé. .

La liste des prix des médicaments assurés au Québec (à jour en novembre 2015) est disponible en suivant ce lien.

Un exemple concret : le patient se présente avec une ordonnance de 30 comprimés de Pantoloc (Inipomp en France, ou pantoprazole). Je fais abstraction des franchises et autres co-assurances pour illustrer mon cas. S'il est couvert par l'assurance du gouvernement et qu'il souhaite le princeps, le prix total de sa prescription (hors honoraires) sera de 61,25 dollars (soit environ 2 dollars le comprimé). Le prix fixé pour le générique étant de 0,36 centimes le comprimé, une ordonnance de 30 comprimés de pantoprazole générique coûtera 10,90 dollars. Donc le patient devra payer de sa poche 50,35 dollars s'il souhaite le médicament princeps. Ainsi, pas de dispute, le patient est libre de choisir entre le médicament original et la copie générique.

Il existe aussi le concept de prix maximum payable pour une classe de médicament ; continuons le cas des IPP (inhibiteurs de la pompe à proton). Si cette fois, la prescription est pour du Nexium (Inexium en France ou ésoméprazole). Le prix pour une prescription de 30 comprimés du princeps est de 56,07 centimes (soit 1,86 centimes le comprimé). Le prix pour 30 comprimés du générique est de 42,90 dollars (1,42 centimes le comprimé). Or depuis quelques années, les IPP sont soumis à un prix maximum payable, c'est-à-dire que l'assurance gouvernementale ne couvrira que le prix du générique de l'IPP le moins cher, en l’occurrence le pantoprazole (0,36 centimes versus 1,42 centimes). Donc si le patient a une prescription, il lui coûtera 32 dollars plus cher (non remboursé) s'il reçoit 30 comprimés de ésoméprazole par rapport à 30 comprimés de pantoprazole. Cette mesure a été mise en place afin de réduire le coût exorbitant de la sur-prescription des IPP. Heureusement, il existe des ordonnances collectives pour permettre au pharmacien de substituer un IPP par un autre en raison du coût. Cette notion de prix maximum payable n'existe que pour les IPP à l'heure actuelle.

Mais, comme en France, le prescripteur a le droit d'indiquer sur sa prescription "ne pas substituer" (NSP). Ainsi, le pharmacien doit servir la forme prescrite. Sauf que depuis cette année, la mention NSP ne garantit plus le remboursement. Ainsi, si le médecin indique NSP, la différence de prix sera toujours pour le patient. Sauf si le médecin indique un code particulier ; les trois principaux sont :

  • NPS-A : allergie à un excipient présent dans le générique et pas dans le princeps
  • NPS-B : intolérance à un excipient présent dans le générique et pas dans le princeps
  • NPS-C : forme pharmaceutique (galénique) nécessaire au traitement (par exemple un lyophylisat sublingual par rapport à un comprimé normal)

L'allergie ou l'intolérance doit être justifié au dossier médical du patient (ce n'est pas au pharmacien de vérifier la véracité de cette allergie ou intolérance). Le médecin est donc responsable de l'application de son code de remboursement. Encore une fois, cette notion s'applique aux patients sous assurance médicament du gouvernement. 

Faisons un autre exemple ; prenons une ordonnance de 30 comprimés de Lamisil 250 mg (terbinafine) :
  • Cas 1 : le patient accepte le générique, le coût de la prescription sera de 55,57 dollars (+ honoraires de dispensation). Le prix a payer dépendra de la franchise pour le patient. 
  • Cas 2 : le patient refuse le générique. Le coût de la prescription sera de 109,58 dollars (+ honoraire de dispensation). Le montant remboursé ne se fera que sur la base du 55,57 dollars (donc un coût de 54 dollars à la charge du patient dans tous les cas, plus sa franchise). 
  • Cas 3 : le médecin indique NPS sur l'ordonnance, sans justification (A ou B), le patient devra payer 54 dollars, sauf si on a l'accord du médecin pour servir le générique (car la mention "ne pas substituer" oblige le pharmacien a servir la forme prescrite, soit le princeps).
  • Cas 4 : le patient est allergique ou intolérance à un des excipients qui serait présent dans toutes les marques de générique (il en existe 13 différentes, c'est franchement pas de chance), le médecin ajoute le code NPS-A ou NPS-B, et la somme de 109,58 dollars (+ honoraire) sera remboursée au patient selon sa franchise. 
Et voila comment on augmente tranquillement le taux de substitution vers les génériques au Québec au fur et à mesure. J'espère que ce billet vous aura intéressé. A bientôt :)


mardi 24 novembre 2015

Ordonnance, derrière le comptoir ou en vente libre ?

Bonjour à tous :)

Ce matin, on va faire un petit jeu : il va s'agir de deviner quel médicament est en libre-service, à l'arrière du comptoir et sur prescription. De façon générale, au Québec, il existe ce qu'on appelle des "annexes". Les annexes sont des listes qui indiquent si le médicament nécessite une prescription, ou non. Le "règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments" décrit 5 annexes :

  • Annexe I : destiné aux humains, sur prescription
  • Annexe II : destiné aux humains, sous contrôle pharmaceutique (derrière le comptoir)
  • Annexe III : destiné aux humains, sous surveillance pharmaceutique (en libre service)
  • Annexe IV : destiné aux animaux, sur ordonnance
  • Annexe V : destiné aux animaux, sous surveillance professionnelle 
Seuls les médicaments en annexe I, II et III ne peuvent être vendus que dans une pharmacie, par un pharmacien. Les médicaments en annexe I et II ne doivent pas être accessibles au public
Donc pour vendre un médicament d'annexe I (exemple anti-hypertenseurs), il faut une ordonnance. Pour vendre un médicament en annexe II, il faut l'enregistrer dans le dossier du patient. 

Jouons maintenant ; parmi les médicaments suivants, quels sont ceux qui ont besoin d'une ordonnance ? Ou ceux en libre-service ? Ou ceux derrière le comptoir (sans ordonnance, mais avec évaluation du pharmacie) ?

1. Anti-histaminiques de 2e génération (cétirizine, loratadine...)
2. Pommade d'aciclovir
3. Décongestionnant par voie nasale (oxymétazoline, naphazoline...)
4. Pommade de diclofénac (Voltaren)
5. Corticostéroïde inhalé par voie nasale
6. Ciclopirox 8% en vernis à ongle
7. Ibuprofène 400 mg et Naproxène sodique 220 mg
8. Dimenhydrinate
9. Patch ou pommade de lidocaïne/prilocaïne (Emla)
10. Collyre de polymyxine B / Gramicidine (antibiotiques)
11. Codéine 8mg (+ paracétamol + caféine)
12. Fluconazole 150 mg (une gélule per os)


...
...
Suspense
....
...


Et voici les réponses :

1. Anti-histaminiques de 2e génération (cétirizine, loratadine...)
En libre-service : généralement les gens connaissent leurs symptômes d'allergie et vont directement en acheter en cas de besoin. Par contre, le prix n'a rien à voir avec ceux de France. Certaines marques vont jusqu'à 40 dollars (desloratadine par exemple).

2. Pommade d'aciclovir
Sur prescription seulement ; on n'a que le docosanol en vente libre (un espèce d'acide gras qui réduit la durée de la poussée de 4,2 jours au lieu de 4,6...). Youhou !

3. Décongestionnant par voie nasale (oxymétazoline, naphazoline...)
Malheureusement en libre-service ; les gens en abusent parfois et on se retrouve avec de la congestion rebond.

4. Pommade de diclofénac (Voltaren)
Derrière le comptoir sans ordonnance, en annexe II.

5. Corticostéroïde inhalé par voie nasale
La majorité des marques nécessitent une prescription ; avec l'arrivée de la Loi 41, le pharmacien peut en prescrire si le patient en a déjà eu dans son dossier au cours des 4 dernières années pour une rhinite allergique. Sinon, depuis peu, il existe une marque qui est disponible derrière le comptoir sans ordonnance.

6. Ciclopirox 8% en vernis à ongle
Avec une ordonnance (en France ce n'est pas nécessaire) ; et le prix est imbattable... autour de 100 dollars pour le petit flacon.

7. Ibuprofène 400 mg et Naproxène sodique 220 mg
Derrière le comptoir sans ordonnance ; par contre, l'ibuprofène 200mg est en vente libre, et on peut trouver des flacons contenant jusqu'à 200 comprimés. Logique hein ?

8. Dimenhydrinate 
Derrière le comptoir (mais sans ordonnance), en raison des abus et de la "dépendance" que peut créer ce médicament. En France, il était en libre-service mais il est retourné dans le tiroir depuis peu à cause de cela aussi.

9. Patch ou pommade de lidocaïne/prilocaïne (Emla)
Derrière le comptoir sans ordonnance, sans prescription. Mais j'en vend très peu à cause du prix de plus de 30 dollars pour un petit tube et de près de 40-50 dollars pour le patch.

10. Collyre de polymyxine B / Gramicidine (antibiotiques)
Derrière le comptoir sans ordonnance ; et oui, on a des antibiotiques sans ordonnances. On a aussi des crèmes (mupirocine ou bacitracine) sans ordonnance. Mais il faut que la demande soit évaluée par le pharmacien.

11. Codéine 8mg (+ paracétamol + caféine)
Derrière le comptoir sans ordonnance bien sûr ; par contre, on a le droit de vendre des pots allant jusqu'à 200 comprimés... Soit un service de 1600 mg de codéine. On rappelle qu'en France, la dose exonérée est de 300 mg par boîte.

12. Fluconazole 150 mg (une gélule per os)
Derrière le comptoir sans ordonnance ; très (trop) utilisé pour les mycoses vaginales avant d'employer les traitements locaux.


lundi 5 octobre 2015

La chaîne de travail en pharmacie

En France, le pharmacien est malheureusement sous-utilisé, ou plutôt mal utilisé ; on s'occupe des problèmes d'assurance, on gère le stock, on range les rayons... Au Québec, le pharmacien est assisté par des assistants techniques en pharmacie (ATP). Le pharmacien leur délègue tout ce qui n'a pas besoin d'être considéré comme un acte pharmaceutique. 
Pour illustrer cela, je vais présenter la chaîne de travail que nous avons là où je bosse. Il existe différentes structures, selon la taille de la pharmacie, ou son organisation. Mais globalement le processus est à peu près identique. 



Voici schématiquement ce que l'on appelle le laboratoire (ou l'officine). Il s'agit d'une organisation linéaire dans le cas présent. Le cas général est le suivant : 

1. Le patient se présente avec son ordonnance ; à l'accueil, on trouve un ATP qui se charge d'ouvrir le dossier si le patient n'en a pas. Il recueille toutes les informations nécessaires (nom, adresse, téléphone, allergies, prise d'autres médicaments en vente libre ou sur prescription, indication en cas d'antibiothérapie). 

2. L'ordonnance est informatisée et scannée. Comme je l'ai déjà expliqué, le patient ne conserve pas son document papier. Il est enregistré dans le système informatique : il n'aura qu'à appeler ou se présenter pour avoir ses renouvellements. 

3. Une fois l'ordonnance enregistrée, des étiquettes avec le nom et la posologie des médicaments sont produites, ainsi que la facture. Ces documents sont mis dans un panier. A cette étape, un ATP prépare les médicaments (compte les pilules, colle les étiquettes sur les boîtes, fait la préparation magistrale si besoin, etc.). 

4. Une fois que tout est prêt, le pharmacien en service récupère le panier et s'occupe de vérifier l'ordonnance, le contenant-contenu (si ce qui est dans le pot correspond à ce qui est sur l'étiquette), et fait sa validation pharmaceutique (posologie, indication, interaction... etc.).

5. Si le traitement est nouveau, ou que le pharmacie estime qu'il doit rencontrer le patient (observance, mauvaise prise de traitement), il l'appelle dans l'aire de conseil. Pour les consultations plus longues et/ou plus délicates (et oui on dit consultation ici), les pharmacies doivent disposer d'un bureau pour assurer la confidentialité selon les normes de l'Ordre. 

6. Lorsque tout est fini, le patient passe à la caisse où un ATP ou un caissier le fait payer. 

Quelques remarques ; l'étape de vérification du contenant-contenu commence de plus en plus à être déléguée à des ATP formés à cette vérification. En effet, l'Ordre des Pharmaciens estime que cet acte n'est pas pharmaceutique. Notez aussi que bien que le pharmacien n'intervienne qu'à l'étape 4 et 5, il faut néanmoins superviser toute la chaîne de travail (problème au comptage, à l'accueil, à la caisse...).

L'avantage majeure de ce système est que le pharmacien ne s'occupe que de tâches pharmaceutiques (validation et conseil). L'inconvénient (souvent remarqué par les français qui émigrent) est que c'est beaucoup plus long ! Pour un renouvellement, il suffit d'appeler 1 ou 2 heures avant et le patient se présente directement à la caisse. C'est simple et rapide ; on peut même faire des demandes de renouvellements en ligne. En revanche, il faut environ 5 à 10 minutes pour une ordonnance simple d'antibiotique avec paracétamol par exemple. Le pire selon moi est l'ordonnance du dentiste avec bain de bouche, AINS, antibiotique, et cortisone, qui prend toujours environ 20 minutes alors que c'est une affaire de 3 minutes en France. 

Autre inconvénient pour le pharmacien, il faut être capable de gérer plusieurs cas à la fois (souvent, dans des grosses pharmacies au moment des rushs). En France, on s'occupe souvent d'un patient à la fois, ici il faut savoir s'interrompre pour passer à un autre cas en cas de problème dans la chaîne de travail. Souvent, les pharmaciens sont doublés, c'est à dire qu'il y a un 2e pharmacien en service dans les grosses pharmacies pour aider (gérer les cas complexes, les sorties d'hôpital ou les piluliers). 

Dans les petites pharmacies, il peut arriver qu'il n'y ait qu'un seul ATP, voire pas d'ATP du tout. Donc le pharmacien est seul dans ces moments là. Là où je bosse, cela n'arrive que le soir après 20h ou 21h le week-end (samedi ET dimanche). Mais c'est tout à faire gérable en cas de petit débit. 

Que pensez-vous de cette structure de travail ? Pourrait-elle être un jour appliquée en France ? 

lundi 28 septembre 2015

Nouvelle entente pour les honoraires

Ce weekend l'entente entre l'assurance médicale du Québec et les pharmaciens a été renouvelée pour 3 ans (2015-2018). C'est cette entente qui permet de connaître les tarifs couverts par l'assurance provinciale par rapport aux services fournis par le pharmacien. Il nous est possible de facturer directement à l'assureur (tiers-payant) pour les patients sous le régime d'assurance publique. En cas d'assurance privée, les patients devront demander un remboursement manuellement dans la plupart des cas pour l'instant.

Tout d'abord, qui négocie cette entente ? Deux parties sont présents autour de la table de négociation. L'AQPP (Association Québécois des Pharmaciens Propriétaires) et le MSSS (Ministère de la Santé et des Services Sociaux). Le MSSS comme son nom l'indique est tout simplement le ministère de la santé, qui a grosso-modo un rôle proche du ministère de la santé français. L'AQPP est une association syndicale qui représente l'ensemble des pharmaciens propriétaires (environ 2000) au Québec. Comme toute association professionnelle, son rôle est de défendre l'intérêt de la profession dans le but de la faire évoluer. Pour rappel, un ordre professionnel a pour rôle de défendre le public (ce n'est donc pas à l'Ordre des Pharmaciens du Québec de s'occuper des honoraires).

Cette nouvelle entente a été signée dans un contexte particulier ; le gouvernement cherche à faire des économies (on parle de 133 millions de dollars par an en coupure d'honoraires de dispensation) et la pression est énorme sur les pharmacies (surtout les plus petites). Cependant, cette entente permet de faire reconnaître petit à petit le rôle clinique du pharmacien. En effet, de nouveaux actes et services pourront être facturé.

Depuis plus de 10 ans, on pouvait être rémunéré pour une opinion pharmaceutique (environ 20 dollars) et pour un refus de dispensation (environ 9 dollars). Depuis ce weekend, les pharmaciens peuvent être officiellement rémunérés pour évaluer un patient en vue de prescrire et pour faire un suivi avec ajustement des doses de médicaments. En pratique, on facture déjà ces nouveaux services depuis quelques semaines, mais l'entente officiellement signée ce weekend rend la chose totalement encadrée.

Pour les plus curieux, le lien de l'entente est disponible ici : Entente AQPP-MSSS 2015-2018.

Premièrement, nous serons rémunéré 16 dollars pour l'évaluation du besoin de la prescription d'un médicament pour certaines conditions mineures ainsi que pour l'évaluation du besoin de la prescription d'un médicament dans les cas pour lesquels aucun diagnostic n'est requis.

  • Conditions mineures : rhinite allergique, herpès labial, acné mineure, vaginite à levure, érythème fessier, dermatite atopique, conjonctivite allergique, muguet consécutif à l'utilisation d'inhalateur corticostéroïdes, aphtes buccaux, dysménorrhée primaire, hémorroïdes et infection urinaire simple chez la femme.
  • Aucun diagnostic : diarrhée du voyageur (traitement en cas de manifestation), prophylaxie du paludisme, supplémentation vitaminique chez la femme enceinte, nausées et vomissements en grossesse, cessation tabagique, contraception hormonale après une contraception d'urgence, pédiculose, prophylaxie antibiotique chez les porteurs de valve, prophylaxie cytoprotectrice chez les patients à risque qui utilisent des AINS, prophylaxie du mal aigu des montagnes.

Autre nouveauté, la prise en charge de l'ajustement de la dose de médicaments pour l'atteinte de cibles thérapeutiques en cas d'hypertension artérielle, de dyslipidémie, d'hypothyroïdie, de diabète de type 2 ou de traitement prophylactique de la migraine. S'y ajoute un service d'ajustement de doses d'insuline et d'ajustement de dose d'anticoagulant en fonction de l'INR. Pour ces services, l'assurance paye une rencontre initiale et le suivi annuel (soit de façon mensualisé comme pour le cas de la warfarine, soit de façon bi-annuelle lors des rencontres avec le patient). Pour ces services, la rencontre initiale sera payée environ 15 dollars, et le suivi annuel entre 40 et 50 dollars par patient. Le suivi d'INR est de 16 dollars par mois. En cas de suivi de plusieurs conditions, le tarif sera moindre. Il est possible de retrouver tous les détails à la page 42 de l'entente. Et avantage par rapport au système de facturation français, les honoraires sont touchés dans les semaines qui suivent la demande de paiement (et pas l'année suivante). 

La condition à la réalisation de ces suivis est que le médecin doit communiquer au pharmacien les cibles thérapeutiques visées (tension artérielle cible, TSH, HbA1C, réduction des crises de migraine, INR, glycémies...). Il est aussi possible de proposer directement au médecin de se charger de ce suivi. Les médecins vont-ils jouer le jeu ? A suivre... 

C'est une véritable révolution dans la rémunération du pharmacien ; l'objectif semble clairement de réduire petit à petit le rôle de "distributeur" du pharmacien au profil de son rôle de professionnel de santé pouvant réaliser le suivi des patients (coupure dans les honoraires de dispensation versus nouveaux honoraires cliniques). Pour arriver à cela, il aura fallu plusieurs années entre le projet de Loi 41 développé et soutenu par l'Ordre, conférant de nouvelles responsabilités au pharmacien, et l'association professionnelle qui fait reconnaître financièrement ces nouveaux actes.