mercredi 18 février 2015

A quoi ressemble une ordonnance au Québec ?

L'autre jour, j'ai tweeté une image d'une prescription dont la lecture aurait pu être source de problème de lecture. Je la publie de nouveau ici :


Le problème venait du CIPRALEX (escitalopram) .5 co au lieu d'écrire 5 mg (ou 1/2 comprimé). Jeep m'a fait remarqué : 



Mais au Québec, la prescription n'est pas vraiment destinée au patient. Des abréviations en latin sont utilisées. Petit quizz ; que signifie :

- Sig 1 co qid q6h prn 
- Sig 2 drop tid ou 7j 
- Sig 1 cap pv stat

.... Pas facile au début quand on arrive de France ; en fait ce sont des abréviations latines. Voici la traduction de quelques unes de ces locutions (mais pas trop, car je n'ai jamais fait de latin et j'ai peur de faire trop d'erreur) :

- TID = ter in die = trois fois par jour
- QID = quarter in die = quatre fois par jour
- Q6H = toutes les 6 heures
- PRN = pro re nata = si besoin
- Etc.

(Pour une liste plus complète des abréviations existantes, la page de Wikipédia sur les ordonnances est plutôt complète, dans sa dernière partie). Voici une image pour illustrer à quoi ressemble une prescription au Québec (et en Amérique en général) : 



Donc si on reprend en français :

- Prenez 1 comprimé 4 fois par jour aux 6 heures si besoin
- Instillez 2 gouttes 3 fois par jour dans les deux yeux pour 7 jours
- Insérez une capsule dans le vagin immédiatement

En pharmacie, le patient apporte sa prescription qui est informatisée par les assistants techniques (ou le pharmacien) en utilisant les termes latins. L'ordinateur se charge de retranscrire sur l'étiquette en français (ou en anglais ou en espagnol...) pour que le patient puisse le lire sur son flacon ou sa boîte. Sur la prescription papier, on ajoute un numéro de prescription, on la scanne et on l'archive à la pharmacie pendant au moins 2 ans (mais l'Ordre des Pharmaciens recommande 5 ans). Le patient n'a plus son papier. La plupart des patients européens sont vraiment surpris quand on ne leur rend pas leur ordonnance papier. 

Voici un exemple d'étiquette que j'ai trouvé en ligne sur le site d'une des chaines de pharmacie (Jean Coutu) ; on y voit l'identification de la pharmacie, le numéro de la prescription, l'identification du patient, du médicament, de la posologie, de l'indication (le plus souvent selon notre jugement, on ne va pas forcément écrire "Dépression" ou "VIH" dessus), le médecin et sa licence, ainsi que la date de dispensation et le nombre de renouvellement restant. 



On peut aussi coller des contre-étiquettes colorées pour insister sur certaines informations pertinentes sur la prise du médicament :



Si un patient revient à la pharmacie, toutes les prescriptions sont enregistrées dans son dossier, avec le nombre de renouvellement et la posologie. Il peut juste nous donner le numéro de prescription pour la faire renouveler. Si un patient veut changer de pharmacie, on s'appelle entre pharmaciens(nes) pour faire un "transfert" ; il s'agit de transmettre verbalement ou par fax les informations de la prescription pour qu'elle puisse être servie dans une autre pharmacie.

Personnellement, je trouve que le fait que le pharmacien possède la prescription a tendance à déresponsabiliser le patient ; c'est souvent à nous de faire des démarches (par exemple envoyer un fax) pour demander au médecin de renouveler une prescription échue. Mes patients ne regardent que rarement l'étiquette qui indique le nombre de renouvellement restant. Mais cela a l'avantage d'avoir un dossier pharmaceutique (ou pharmacologique) complet si le patient nous apporte toutes ses prescriptions.

Rassurez vous, l'écriture des médecins est aussi mauvaise ici ;) . On a régulièrement besoin de rappeler le médecin ou de faxer la prescription pour confirmer un nom de médicament, une abréviation (qd ou qid...). Et la prescription information n'est pas encore très développé (surtout en ville, quasiment jamais dans les hôpitaux de Montréal en tout cas). 

J'espère que ce post vous a intéressé ! A la prochain :)

samedi 7 février 2015

Relations médecin pharmacien

Hier j'ai réalisé à quel point les échanges entre médecins et pharmaciens peuvent être différents ; bien entendu, ce que je vais raconter là est uniquement lié à mon expérience, mais je ne pense pas que ce type d'échanges survient en France (ou alors c'est anecdotique).

Dans le cabinet médical (ou clinique) situé à l'étage au dessus de la pharmacie, il y a environ une dizaine de médecins (généraliste ou spécialiste). Au fil du temps, on crée des liens avec les médecins en haut, et certains prennent l'habitude de nous appeler pour diverses questions.

Certains médecins ne vont nous appeler que pour nous demander si on a un médicament en stock, et s'il est en rupture par quoi le remplacer. D'autres pour nous demander d'envoyer la liste des médicaments que prend un patient à la pharmacie (profil pharmacologique) ou pour savoir si un patient est observant.

Certains médecins qui pratiquent depuis peu se sont installés au cabinet et ont commencé à nous appeler pour des questions plus orientées vers la pharmacie clinique. En effet, j'ai cru comprendre qu'au cours des études de médecine/pharmacie au Québec, l'interdisciplinarité est mise en avant depuis une dizaine d'années, avec le fait de collaborer entre professionnels et de ne pas hésiter à communiquer en cas de questions concernant une prise en charge de patient. Il y a notamment des cours communs sur la prise en charge globale du patient.
Par exemple hier, j'ai reçu quelques appels de ce type. J'ai eu un premier appel d'une médecin  qui voulait savoir quelle crème était plus efficace dans les mycoses circinées et quelle était la durée du traitement. Le second appel a été celui d'un autre médecin qui voulait savoir si le citalopram avait des précautions d'emploi chez les patients épileptiques. Et enfin, un autre médecin qui voulait savoir quelles étaient les recommandations quant à l'utilisation de l'amoxicilline dans la pneumonie chez l'enfant au Québec ; fallait-il donner systématiquement une dose de 90 mg/kg/j ou uniquement au cas par cas.

La plupart du temps, les médecins qui appellent veulent juste conforter leur idée, mais je pense qu'ils apprécient vraiment le fait qu'on puisse les aider rapidement à répondre à leurs questions de pharmacothérapie.
Parfois les questions sont plus complexes ; l'autre jour, un généraliste de la clinique m'appelle pour me demander ce que je pensais de l'utilisation du rivaroxaban versus la warfarine chez un patient qui prend de la phénytoine pour ce qui est des interactions médicamenteuses et leurs mécanismes. On se croit parfois devant une copie d'examen de pharmacocinétique :)

Les infirmier(e)s nous appellent aussi fréquemment pour avoir des listes de médicament à jour, ou pour nous demander comment administrer un médicament. Une fois, j'ai même eu un infirmier d'une maison de retraite qui m'a appelé pour valider l'utilisation d'un médicament chez un patient insuffisant rénal prescrit par un médecin pendant le weekend au moment où le pharmacien de la résidence était en congé.

Souvent, les médecins nous appellent aussi pour faire ce qu'on appelle des prescriptions verbales : il s'agit de nous dicter par téléphone une ordonnance pour faire modifier ou ajuster la prescription du patient. On doit la noter cela sur un pad de prescription et la signer à la place du médecin (en indiquant ordonnance verbale du Dr. X, notée à tel heure tel jour). Souvent, cela permet un échange pour connaitre l'indication thérapeutique, l'intention thérapeutique, la cible thérapeutique ou de définir une marche à suivre pour ajuster la dose (par exemple, je prescris furosémide 40 mg deux fois par jour, mais si le poids baisse trop rapidement, diminuer la dose à 40 mg par jour). A nous aussi de gérer le suivi du patient pour ajuster la dose en conséquence.

Personnellement, je trouve que la prescription verbale est une pratique qui peut entraîner parfois des risques de fausses ordonnances (on a aucune preuve que la personne qui nous parle est bel et bien le médecin ; parfois certains médecins demandent à leur secrétaire d'appeler ce qui est illégal. Parfois ce sont des infirmiers qui appellent pour transmettre une ordonnance verbal du médecin... ce qui est d'autant plus une source d'erreur). Heureusement, il y a quelques garde-fous comme l'interdiction de prescrire des stupéfiants par téléphone. Par contre, quelqu'un peut se faire passer pour un médecin pour se faire prescrire des benzodiazépines...

Au final, j'apprécie énormément le fait que le pharmacien est reconnu comme un professionnel de santé compétant dans son domaine (le médicament) au Québec. Pourquoi n'a-t-on pas nécessairement cette reconnaissance en France ? Etudes pas adaptées à la pharmacie clinique ? Manque d'échanges médecin/pharmacien au cours des études ? Certaines pratiques pharmaceutiques douteuses d'épiciers ou de magouilles d'apothicaires ? Je ne dis pas que tout est rose au Québec (on lit régulièrement des suspensions de droit de pratique pour des trafics de stupéfiants ou pour des fraudes à l'assurance), mais je pense que globalement, la profession de pharmacien a su évoluer de façon plus positive et que les échanges d'aujourd'hui entre acteurs de santé sont le reflet de cette évolution.

jeudi 5 février 2015

Ne dites pas...

On parle souvent de l'accent québécois en France en se moquant un petit peu ; mais à l'inverse, quand on se retrouve au Québec, il faut rapidement apprendre les subtilités de langage. J'avoue que plusieurs fois j'ai du aller voir mes collègues pour comprendre de quoi on me parlait ! Quelques exemples en pharmacie !! Et on va le faire sous forme de quiz :

Une patiente vient pour un feu sauvage. Mais qu'est ce qu'un feu sauvage ?
  1. Une infection urinaire
  2. Une candidose vaginale
  3. Un bouton de fièvre
  4. Une bouffée délirante 
Un patient vient se plaindre d'avoir une gale dans le nez. Mais qu'est ce donc ?
  1. Un insecte dégueulasse qui est coincé
  2. Un bout de crayon enfoncé
  3. Une bille coincée
  4. Une croûte de pue/sang séchée
Un patient qui veut savoir ce qu'il peut mettre sur son ulcère. De quel ulcère on parle ?
  1. Un aphte dans la bouche
  2. Un ulcère lié à une insuffisance veineuse
  3. Un ulcère gastrique
  4. Un escarre
Un patient veut savoir si vous vendez de la petite vache. Est-ce ?
  1. Un bébé ruminant, dans la section "animaux de la ferme" de la pharmacie
  2. Du sucre
  3. Du bicarbonate de soude
  4. Du lait de croissance

Et il y a plein de mots qui sont la plupart inconnus ou non utilisés au Québec ; ne dites pas de faire un bain de bouche car la personne va imaginer qu'elle va devoir plonger sa bouche dans le bain ou quelque chose du genre. C'est un rince-bouche ! L'utilisation du mot collyre n'est pas répandu là où je bosse, il faut parler de gouttes pour les yeux. Tout comme le fait de parler de collutoire ; c'est un spray pour la gorge. De même, on ne parle quasiment jamais de gélule, mais de capsule (ce qui est néanmoins le bon vocabulaire galénique). Au moins, je n'entends pas de patient prendre des "cachets", mais des "pilules". Et surtout ne demandez pas s'il existe du sérum physiologique ; vous allez passer pour un espèce de malade mental qui veut s'abreuver de je ne sais quel fluide corporel ! On dit une solution saline. 

N'allez pas dire à un patient qui a mal à la gorge qu'il fait une angine, il va paniquer car ici une angine = angor. Il faut dire une amygdalite (ce qui théoriquement est le terme médical approprié). On ne dit pas chaussette de contention, mais de compression (encore une fois, le terme qui est le plus approprié que celui utilisé en France). 

Au début, on rigole bien de ces petits moments de gène où l'on regarde la personne en face en se demandant bien de quoi elle peut parler... Après quelques semaines, on finit par s'en sortir sans problème. 

Bon les réponses au quiz maintenant : un feu sauvage est un bouton de fièvre, une gale dans le nez est une croûte, un ulcère est un aphte et de la petite vache c'est du bicarbonate de soude. Sur ce, je sac mon camp et je vous laisse icite pour retourner affronter le froid extérieur ! Ce qu'il fait fraite dans ce maudit pays :)

lundi 2 février 2015

Les ordonnances collectives

Bonjour à tous :)

Ce soir, je vais vous parler des ordonnances collectives. Une ordonnance collective est une ordonnance rédigée par un médecin ou un groupe de médecin (qui travaillent en santé publique par exemple) et qui permet à d'autres professionnels de santé d'initier un traitement ou un examen médical.

Ce type d'ordonnance n'est pas uniquement destiné aux pharmaciens ; il en existe aussi pour les infirmières. Elles ont été développées au début des années 2000 dans un contexte de difficultés à avoir accès à un médecin de famille (croyez moi, c'est plus compliqué de voir un médecin ici qu'en France ; il faut se lever tôt pour arriver aux cabinets médicaux sans rendez-vous et il existe des listes d'attente pouvant aller jusqu'à 2 ans pour avoir un généraliste. Si on est chanceux (ou très malade) on a accès plus facilement à son médecin ; les alternatives sont les cliniques privées, mais où rien n'est couvert par l'assurance médicale du gouvernement du Québec). Donc grosso modo, l'objectif est de favoriser l'accès aux patients pour des soins mineurs. Cela permet aussi de déléguer des responsabilités aux autres professionnels de santé, sans passer par le médecin. L'autre intérêt est celui de la couverture par les assurances : certains médicaments en vente libre seront ainsi remboursés pour les patients qui n'ont pas forcément les moyens de se les payer.

Ces ordonnances ont bien entendu des limites : une liste d'obligation (âge, critères de non gravité...) pour l'utiliser et une liste de contre-indication pour leur utilisation (pathologies...).

Quelques exemples pour illustrer les ordonnances collectives destinées aux pharmaciens ; je vais commencer par une ordonnance collective qui est valable dans la ville de Montréal.
Le médecin responsable de la santé publique (Dr. Massé) a crée une ordonnance collective qui donne le droit au pharmacien d'initier un traitement de cessation tabagique. Les substituts tabagiques sont en vente libre, mais coûtent relativement cher. Le fait d'avoir une ordonnance collective permet aux patients d'avoir un suivi par le pharmacien et une couverture par leur assurance (privée ou publique). Concrètement, si un patient se présente, on doit évaluer sa consommation, sa dépendance, etc. Ensuite, on vérifie si le patient présente un certain nombre de contre-indication. Si le patient est admissible, on personnalise la prescription et on adapte la dose en fonction de la dépendance. Le patient accède ainsi aux patchs de nicotique, aux gommes, aux pastilles... via une couverture par leur assurance, comme avec une prescription ordinaire.

Voici une copie de l'ordonnance collective en question :



Le lien ci-contre vous permettra d'accéder à l'ensemble des documents relatifs à cette ordonnance collective : Ordonnance collective pour la substitution nicotinique

Chaque ordonnance est associée à un protocole ou plutôt à des recommandations (choix des médicaments possibles, choix des régimes posologiques). Au pharmacien d'adapter la prescription au patient qu'il a en face de lui.

Dans ma pharma, on a accès à d'autres ordonnances qui ne sont valables que dans notre quartier. Par exemple :

- Prescription d'un produit anti-poux (l'intérêt principal est la couverture par l'assurance)
- Substitution d'un IPP par un autre moins cher
- Prescription de vitamines pour les femmes enceintes ou voulant l'être
- Prescription d'une thérapie pour les nausées au cours de la grossesse
- Prescription de suppléments calcium-vitamine D pour les femmes de plus de 50 ans
- Prescription d'un traitement antiviral en cas de bouton de fièvre occasionnel
- Prescription d'un vaporisateur nasal à la cortisone en cas d'allergie saisonnière
- Prescription de collyres anti-allergiques
- Prescription de laxatifs (au choix du pharmacien) en cas de médicament entraînant de la constipation (genre morphine ou médicaments à effets anticholinergiques...)
-Etc.

Chaque ordonnance est assortie de son lot de contre-indication ; par exemple, l'ordonnance pour les boutons de fièvre permet de prescrire au choix du valacyclovir ou du famcyclovir, avec plusieurs posologies possibles selon la fonction rénale (si connue). Mais on ne peut pas l'utiliser si un patient est connu pour être immunodéprimé, s'il est mineur, s'il a plus de 6 récurrences par an, si c'est la première poussée (car le diagnostic n'a jamais été posé par un médecin au départ)... Je ne peux malheureusement pas vous montrer un exemple car elles sont "confidentielles" (pour éviter la falsification).

D'autres pharmacies peuvent avoir des ordonnances collectives différentes : prescription de prophylaxie pour le paludisme, prescription d'antifongiques oraux ou vaginaux en cas de mycose vaginale...

Concrètement, ces ordonnances sont utilisées au quotidien et apportent une véritable souplesse pour aider les patients. Et les patients apprécient réellement ; je note d'ailleurs que beaucoup plus de patients essayent d'arrêter de fumer grâce au fait que les patchs sont couverts par les assurances (tiers payant qui existe aussi ici).

Quelques liens d'intérêt sur le sujet :

https://www.inesss.qc.ca/activites/ordonnances-collectives.html

http://www.cmq.org/MedecinsMembres/ActivitesPartageables/OrdonnancesCollectives.aspx


Mais bientôt, dans le courant de l'année 2015, une nouvelle loi va passer pour permettre au pharmacien de prescrire dans certaines conditions mineures ou ne nécessitant pas de diagnostic (type prophylaxie par exemple ou supplémentation vitaminique). Les ordonnances collectives existeront toujours, mais avec le pharmacien prescripteur, ce sera notre nom au bas de l'ordonnance et pas le nom du médecin signataire de l'ordonnance collective. On s'en reparlera cet été ;)

Bonne soirée à tous !! N'hésitez pas à partager et à poser des questions ! :)

dimanche 1 février 2015

Le suivi des AVK

Bonjour à tous, aujourd'hui je vais présenter le suivi des AVK au Québec. Vous allez pouvoir comparer avec le suivi proposé aux pharmaciens français, par rapport à ce qu'on a le droit de faire ici. Bien sur, je vais parler de ce sujet basé sur mon expérience au travail en officine.

Premièrement, il faut savoir que le principal AVK utilisé est la warfarine (que l'on prononce COUMADIN ici au lieu de COUMADINE). Il existe aussi de l'acénocoumarol mais cette molécule n'est quasiment pas utilisée en raison des difficultés à gérer les variations d'INR.
Tous les dosages sont possibles pour la warfarine sur le marché :


Donc pour jouer avec les doses, on dispose de 1 mg, 2 mg, 2,5mg, 3 mg, 4 mg, 5 mg et 6 mg. De préférence, il faut éviter de couper les comprimés pour éviter les variations de dose. En France, seules les spécialités de 2 mg et 5 mg existent.

Pour le suivi des AVK, il existe plusieurs situations que je vais décrire les une après les autres.


  • Premier cas : le médecin gère seul l'INR et la warfarine
Aujourd'hui, j'ai fait un petit tour des patients que j'ai dans ma pharmacie, et seul 3-4 patients sur la cinquantaine sous AVK sont suivis de cette façon. On reçoit uniquement les ordonnances et le patient gère directement avec le médecin. C'est un peu la situation retrouvée en France en officine : on ne connait pas l'INR et on se contente de distribuer les doses de warfarine.

  • Deuxième cas : une infirmière travaille dans le cabinet médical et s'occupe des INR
C'est la situation la plus fréquente dans ma pharmacie ; au dessus de la pharma, il y a un cabinet médical (on dit clinique ici) avec une dizaine de médecin (généralistes ou spécialistes) et deux infirmières. Les médecins qui ont des patients sous AVK délèguent le suivi aux infirmières. Elles doivent suivre un protocole établi avec les médecins. 

De façon schématique, la dose de warfarine est calculée selon une base hebdomadaire. Par exemple, si un patient prend 5 mg par jour, la dose hebdomadaire est de 35 mg. Selon les résultats, les doses sont adaptées selon un protocole précis. Je vais détailler un peu plus dans la dernière situation. 

A la pharmacie, on reçoit régulièrement leur ordonnance de suivi ; le médecin est responsable mais l'ordonnance est rédigée par l'infirmière. On parle d'ordonnance collective (les pharmaciens ont aussi leurs propres ordonnances collectives, ce qui nous donne le droit d'initier des traitements qui sont normalement sous prescription ; j'en parlerai dans un futur post). Sur cette ordo, on a l'indication de l'anticoagulothérapie, la cible, la valeur de l'INR et les adaptations de posologie. On peut ainsi suivre régulièrement les valeurs. De plus, comme on connait bien les infirmières du cabinet au dessus, il est très facile de les appeler pour leur signaler l'ajout d'un médicament pouvant interagir et ainsi prévoir un INR plus rapidement par exemple. Les infirmières peuvent aussi nous joindre afin d'organiser la médication des patients en pilulier (ajustement des doses dans leur pilulier en allant les chercher par notre livreur et modification des cases à la pharmacie). 

Notre système information permet de sauvegarder tous les résultats pour un patient :


  • Troisième cas : suivi réalisé par une clinique d'anticoagulothérapie
Tout d'abord, sachez qu'on parle de "clinique" d'une toute autre façon qu'en France. Une clinique est un regroupement de médecin en cabinet médical. Par exemple, on peut aller en clinique externe de cancérologie à l'hôpital ; cela signifie qu'on va en consultation externe dans le service de cancérologie. Donc une clinique d'anticoagulothérapie est un service, généralement hospitalier, qui assure le suivi des anticoagulants des patients hospitalisés, et parfois par certains patients qui viennent de sortir de l'hôpital le temps que le médecin de famille reprenne le relais (directement ou via les infirmières, vous suivez ? ;) ).

En gros, ce sont des médecins et pharmaciens qui passent leurs journées à ajuster des doses d'AVK selon un protocole précis pour chaque service. Dans ce genre de situation, on reçoit à chaque prise de sang le résultat de l'INR avec les adaptations à faire pour le patient. La seule différence avec les infirmières du cabinet médical au dessus est qu'il est plus difficile de les joindre si jamais on n'est pas d'accord avec l'ajustement, si on a des questions ou pour les aviser d'un ajout / retrait de médicament pouvant entrainer des interactions avec les AVK.

  • Quatrième (et meilleur) cas : suivi réalisé par le pharmacien d'officine
Et oui, vous avez bien lu, on peut gérer directement l'INR et les doses d'un patient. Cela est possible depuis 2005 par l'accord entre l'Ordre des Pharmaciens et le Collège des Médecins du Québec (ce qui correspond à l'Ordre des Médecins). C'est un algorithme précis établi par des médecins et des pharmaciens sur comment réaliser le suivi des AVK. Je vous mets ici le lien vers ce guide qui est un peu notre bible sur le déroulement du suivi :

http://www.opq.org/cms/media/809_38_fr-ca_0_ld_anticoagulotherapie_pharm.pdf

Globalement, c'est un médecin qui nous délègue le droit d'ajuster les doses. Le nom du médecin est toujours officiellement le prescripteur ; nous ne faisons qu'adapter les doses de sa prescription. Sa prescription doit nous préciser l'indication de l'AVK, la cible visée, les situations pour lesquelles il faut le contacter (INR sur- ou sous-thérapeutique dépassant des seuils établis), et la fréquence des rapports de suivi. Par exemple, certains médecins veulent être avisés à chaque changement, tandis que d'autres veulent en avoir tous les mois ou tous les ans 

Voici à quoi ressemble la prescription :






Pour chaque patient, nous avons une feuille de suivi dans un classeur avec toutes ces informations :



A chaque fois que le patient n'est pas dans la cible, on doit déterminer si une raison temporaire peut expliquer la modification et ainsi justifier nos adaptations (alimentation, activité physique, alcool, médicament...) et la date du prochain INR. Il y a aussi un algorithme en cas d'ajout d'un médicament qui peut interagir (quelle est l'adaptation de dose à faire et quand contrôler l'INR par la suite).

Voici quelques extraits des lignes directrices (voir lien ci-dessus) :



Dans ma pharmacie, on suit environ 5 patients ; ce sont des patients plutôt stable de façon générale et qui ont une anticoagulation à vie. Ce sont généralement les médecins autres que ceux de la clinique au dessus de la pharmacie ou les cliniques d'anticoagulothérapie qui nous délèguent ces patients. 

Perso, la première fois que j'ai du ajuster un INR j'ai un peu "paniqué" ; on a toute la théorie dans la tête par la formation que l'on a eu (je parle de la formation de la fac et les lignes directrices), mais quand on doit le faire en pratique la première fois c'est différent. Mais maintenant, l'ajustement de warfarine devient un "jeu d'enfant". Et les patients apprécient le fait de pouvoir nous joindre directement en cas de question. Les patients peuvent soit faire directement leur INR avec le CoaguCheck (bandelettes pour INR) ou aller faire leur prise de sang au laboratoire d'analyse. 

En conclusion, dans la majorité des cas, on peut jouer notre rôle de suivi de la pharmacothérapie car on a l'INR régulièrement pour 95% des patients. Et on peut même jusqu'à gérer directement les doses. Quand on pense qu'en France on peut uniquement faire des "rencontres d'information", on est vraiment loin du Québec. J'apprécie réellement ce rôle de pharmacie clinique mais je doute qu'on retrouve cela un jour en France au vue du contexte actuel. Cette délégation met en évidence la confiance que les médecins ont envers les pharmaciens ainsi qu'une reconnaissance réelle et effective de nos compétences de professionnels de santé. 

J'espère que ce post vous a intéressé!! :)

Des questions ? Des commentaires ? N'hésitez pas je répondrai rapidement :)