jeudi 16 juillet 2015

Le programme Alerte

Il y a deux jours, j'ai eu une belle fausse ordonnance pour du triazolam ; le jeune homme légèrement suspect, qui parle pendant 5 minutes avec l'assistante technique pour la distraire, et l'ordonnance pleine d'erreurs avec une licence de médecin inconnue au bataillon. Il s'en suit tout le tralala habituel : on vérifie l'authenticité auprès du prescripteur (ou du cabinet médical), on prévient la police et on envoie le formulaire "Alerte" à l'Ordre des Pharmaciens du Québec (OPQ). C'est à ce moment là, que j'ai réalisé qu'il n'existait pas vraiment de procédure officielle en France... Aussi aujourd'hui, je vais vous parler du programme Alerte, mis en place par l'OPQ et qui est bien efficace.


Le programme Alerte

Le site de l'OPQ rappelle que l'objectif de ce programme est de venir en aide aux patients ayant des problèmes d'abus de médicaments obtenus auprès de plusieurs médecins ou de plusieurs pharmacies, ou obtenus au moyen de fausses ordonnances. C'est un système qui a été crée en 1985, et qui propose de jumeler le patient avec un seul prescripteur, et un seul pharmacien afin d'éviter les tentatives pour avoir plus de stupéfiants, d'anxiolytiques... Le lien ci après vous conduira vers la page de présentation de l'OPQ. En fonction de l'alerte, une document sera faxé à toutes les pharmacies du Québec pour les aviser d'une situation : patient doit choisir un médecin/pharmacie, patient a fait une fausse ordonnance, patient ne peut prendre ses narcotiques que dans une seule pharmacie, etc. Un dossier patient doit obligatoirement être crée, de façon à pouvoir réagir de façon approprié si le patient se présente dans notre pharmacie.

Les fiches d'aide de l'OPQ

Tout d'abord, l'Ordre met à notre disposition plusieurs fiches pour aider les pharmaciens à gérer la situation rencontrée : que faire face à une fausse ordonnance ou une ordonnance falsifiée, que faire face à un abus de médicament, que faire face à une suspicion de polypharmacie... Ces fiches donnent des conseils et des indications claires sur la démarche à entreprendre, pour tous les pharmaciens du Québec.

Les formulaires 

Il existe plusieurs types, selon les situations rencontrées : engagement envers une pharmacie, fausse ordonnance, demande d'enquête et fin de contrôle. Je ne peux malheureusement pas rendre disponible en ligne ces formulaires qui sont réservés à l'usage professionnel du pharmacien.

Quelques cas concrets

Tout d'abord, je rappelle que le système d'assurance gouvernementale permet la télétransmission en direct, et donc permet un retour immédiat à la pharmacie si un médicament est "hâtif" dans une autre pharmacie (si le médicament est couvert par l'assurance uniquement par contre). Par exemple, le patient a acheté du lorazépam à la pharmacie X la veille, 30 comprimés pour une durée de 30 jours, et qu'il se présente dans une pharmacie Y, l'informatique nous avise en temps réel que le renouvellement est impossible car le médicament a déjà été servi dans une autre pharmacie. On ne se retrouve pas à avoir des patients ayant fait le tour de dizaines de pharmacies et qui se font rembourser des médicaments ainsi (grosse faiblesse de la CPAM qui ne permet pas encore, en 2015, la télétransmission "live").

Mettons qu'un patient vient de temps à autre, sans être un patient suivi de façon régulière et qu'il y a souvent des "hâtifs" pour des stupéfiants, ou des anxiolytiques. Ou alors en voyant au Dossier Santé Québec (équivalent du Dossier Pharmaceutique) que le patient prend d'autres médicaments stupéfiants ailleurs (plusieurs pharmacies par exemple). Il est alors tout à fait possible de demander à l'Ordre des Pharmaciens du Québec de réaliser une enquête.  Ainsi, s'il s'avère que ce patient abuse (polymédecin, polypharmacie), les pharmacies recevront une "alerte" signalant que le patient doit choisir un prescripteur et une pharmacie en signant un formulaire d'engagement.

Autre cas, un patient que vous connaissez bien, mais dont vous n'avez pas confiance car il abuse de temps en temps de narcotiques. Il est possible de lui demander de signer un formulaire d'engagement. Ainsi, ses médicaments ne seront servi que dans la pharmacie qu'il a choisi, par le prescripteur qu'il aura choisi (parfois, pas besoin de prescripteur choisi, le simple fait de choisir une pharmacie est suffisant). Le patient peut à tout moment changer de pharmacie mais il devra s'engager envers une autre pharmacie. Les autres pharmacies s'engageront à ne pas servir le patient s'il se présente chez eux.

Dans le cas de ma fausse ordonnance, une alerte a été envoyé dans les pharmacies, pour indiquer que ce patient a remis une fausse ordonnance tel jour, avec tel carnet de prescription. Ainsi averties, et avec le dossier-patient crée avec les informations fournies, les autres pharmacies du Québec seront attentives si le patient se présente chez eux.

Conclusion

Voici une méthode simple et efficace pour aider patients et pharmaciens à s'y retrouver en situation d'abus. Pourquoi l'Ordre National des Pharmaciens en France n'est pas capable de proposer ce type de solution ? Il serait tout à fait possible que chaque instance régionale gère ce type de programme pour alerter les pharmaciens. Une idée à suivre ?